D’après le Larousse, être cultivé c’est
“Enrichir son goût, son jugement par l’étude et les connaissances ; avoir une culture générale.”
Suite à mon dernier billet, j’ai reçu pas mal d’emails sur mon ancien blog (formulaire à venir ici). Dédicace spéciale aux anciennes lectrices de Recto Verso. La fin de l’un de ces emails m’a particulièrement marqué.
“Facile pour toi de dire qu’il faut sortir de son environnement pour rencontrer de nouvelles personnes. Tu es née dans ces milieux et as grandi avec. Les nous comme ça, on va les rencontrer où?”
Coco
Je continue d’appendre qu’en tant qu’individu, on n’a ni le même parcours, ni la même exposition, ni les mêmes prédispositions. Si la personne semble disposée à écouter, je prendrai toujours le temps de partager ma petite expérience acquise jusqu’ici. Et parce que once upon a time, j’étais une Coco, this is how I got here.
Contexte
La précarité de notre communauté, en Afrique comme ailleurs, réduit notre capacité à nous focaliser sur autre chose que le gagne-pain et la communauté. Le gagne-pain nous permet, well, de subvenir à nos besoins. La communauté réduit l’isolation lorsque notre famille nucléaire nous tourne le dos. Difficile dès lors de se concentrer sur les enjeux mondiaux.
Cependant, pour avoir côtoyé des personnes qui, malgré leur orientation sexuelle, sont parvenues à s’offrir un avenir meilleur – et par ricochet rencontrer des personnes différentes de leur environnement, le rêve est permis. Si tant est peu qu’on s’en donne la permission.
Pour en revenir à Coco, on s’est prises au téléphone. Elle a développé le fond de sa pensée. Mes réponses en sous-titre.
Comment en es-tu arrivée là?
J’ai le bonheur (et/ou malheur) d’avoir grandi à une époque où être lesbienne n’était que la face cachée de l’iceberg, qu’on vivait dans l’intimité de nos quatre murs. On ne la portait pas comme un étendard. On ne la cachait pas non plus.
Cette période a ses inconvénients certes, selon moi, l’avantage majeur c’était d’avoir fait comprendre à ma génération que nous n’étions pas spéciales. De ce fait, nous devions fournir les mêmes efforts si l’on voulait être au même niveau que nos congénères. Du coup, on a “charbonné”.
J’ai passé la majeure partie de mon enfance dans des villages où on manquait souvent d’électricité. Lorsque je ne jouais pas avec mes pairs, j’étais plongée dans les livres et ce, dès mon plus jeune âge. Ceux des parents, ceux des oeuvres au programme, des tendances de cette période (harlequins, NousDeux, S.A.S,.…). Avant YouPorn, il y avait Union. J’ai lu mon tout premier exemplaire aux alentours de onze ans (merci à la bibliothèque cachée de papa). Ces lectures ont enrichi mon vocabulaire et solidifié ma grammaire.
Arrivée en ville pour le cursus secondaire, j’ai découvert d’autres domaines. Les biographies de nos contemporains, les langues (“Donkey walk, donkey talk”. What is French? Sprichst du Deutsch?), la géographie (via les livres de mes camarades), les arts martiaux (Bruce Lee is my hero), les Jeux Olympiques. En émoi par ce monde qui s’offrait à moi, je m’y suis totalement adonnée et continue de le faire. À une époque, je passais plus de temps devant les jeux de culture générale des chaînes françaises qu’avec des amis. Soit je gagnais, soit j’apprenais.
Mais quel rapport avec la culture me demanderas-tu? Tout.
Pour moi, être cultivé, c’est pouvoir participer aisément à une variété de sujets de discussions. Et pour ceux encore inconnus, poser des questions éduquées.
La lecture m’a permis d’enrichir mon vocabulaire qui lui m’a permis de rencontrer des nouvelles personnes lesquelles m’ont introduites à de nouvelles adventures. Et rebelotte. Le processus est une éternelle repétition. Tu découvres un nouveau domaine, tu t’informes dessus, ça t’ouvre de nouvelles portes. Et next thing you know, tu te retrouves dans des histoires que tu n’aurais jamais imaginé avec les connaissances basiques (ou approfondies) qui vont avec.
Alors, il ya des domaines pour lesquels je n’ai aucune compétence, comme l’art sartorial par exemple ou le jeu d’échecs. Mais j’y travaille parce qu’ils concourent à la personne que je souhaiterais devenir.
Comment faire pour devenir comme toi?
Ne sois pas comme moi. Apprends de mes erreurs et sois meilleure que moi.
Plus précisément:
- Relègue ton orientation sexuelle à la place qu’elle mérite: l’intimité. Être lesbienne n’est pas une profession. Ni chez eux. Certainement pas chez nous. Qui es-tu? Où vas-tu? Qu’as tu envie d’accomplir de ton vivant? Telles sont les questions que je me pose. Je suis certaine qu’une variation de ces dernières trotte dans ta cervelle. Be a person. Not a token. Reduced, put in a box. Tu as plus à apporter à ce monde que ce que tu fais avec une adulte consentante de même sexe que toi.
- Sois curieuse. Questionne sans cesse. Pourquoi le ciel est-il bleu? Suis-je vraiment née ainsi? Qu’est-ce qu’un océan? Bette et Tina ont-elles “mougou” dans la vraie vie (question existentielle très sérieuse)? C’est fou ce qu’une seule question peut générer comme nouvelles connaissances. Je suis certaine qu’il y a au moins un sujet qui attire ta curiosité. Va et explore. En cours de chemin, tu apprendras non seulement sur lui mais sur les domaines avoisinants.
- Débarrasse toi de la honte, du complexe. Tous les experts sont passés par la case apprenti à un moment de leur vie. Ce que tu ne connais pas, demande. On a la chance aujourd’hui de vivre dans un monde où la connaissance est à portée de doigts. Le nombre de personnes prêtes à partager leur experience sans rien demander en retour est impressionnant. “You have not, because you ask not” me répète sans cesse ma mère.
- Accepter qu’on ne connait rien. Il y a un dicton qui dit “the more you know, the quieter you become” parce que tu te rends compte que quel que soit le niveau de culture que tu atteins, il y aura toujours quelqu’un de plus cultivé que toi. Embrasse l’inconnu et poursuis ce qui t’intéresse.
- Sois à l’écoute de ton coeur, il sait des choses. N’écoute surtout pas les amis et encore moins l’inconnue tapant ces lignes. Nous avons chacun notre destinée et nous ne pouvons la suivre si nous essayons d’être tout le monde ou ce que nous ne sommes pas.
- Arme toi de patience. Ces lignes sont une capture de vingt années de ma vie (and counting). De nos jours, on veut tout avoir tout de suite, pourtant cinq ans c’est long et un an c’est très court. Oui! Une année c’est suffisant pour transformer sa vie.
- Dépose ton téléphone. Je blague. Enfin, pas vraiment. Si possible, remplace le de temps en temps par un livre. Ou remplace le direct de ton choix (Facebook/TikTok/Youtube) par un documentaire. Quel qu’il soit.
- Profite. Choisis tes centres d’intérêt et les méthodes de retention d’information qui te conviennent. J’affectionne la lecture. Peut-être pour toi ce sont les videos. Ou les voyages. Choisis l’approche qui convient le plus à la personne que tu es et profite. C’est un apprentissage perpétuel (si on veut se maintenir) et pour ne pas en faire une corvée, autant le faire en prenant le maximum de plaisir possible. Sympa le sprint (cc Cédric Doumbé).
Un petit cas pratique?
Prenons le sujet épineux à la une depuis plus d’un mois, suite à l’attaque du Hamas sur Israel. Les indignations et partis pris sont arrivés sur mon fil d’actualité pourtant très filtré. Il y a eu un cours d’histoire sur l’empire Ottoman au secondaire mais sérieux, qui s’en rappelle dans les détails? Pour me faire ma propre idée, je suis allée à la source. Ou du moins, j’ai choisi d’avoir suffisamment de versions pour me faire ma propre idée.
Donc entre deux videos YouTube sur les parfums et le bien-être, jai créé une playlist avec des médias de masse (Arte, Brut, LeMonde, Washington Post, Vox…) et des voix indépendantes comme HugoDécrypte et Histoires Crépues. Ça m’a pris du temps mais au moins, j’en ressors aware, exposée. Sur le sionisme, l’antisémitisme, l’affaire Dreyfus, la Shoah, l’intifada…. Down the rabbit hole. Un stade auquel je peux écouter et poser des questions différentes. Du moins, si une belle dame venait à soulever le sujet 😌.
Pour ma propre culture générale, je complèterai probablement cette playlist avec deux ou trois livres, antagonistes de préférence. J’y vais un peu loin. Malheureusement c’est ma nature obsessionnelle. Quelqu’un s’arrêterais aux vidéos que ce serait à mon humble avis suffisant pour se démarquer des picoleurs de midi.
Maintenant, on peut changer d’environnement ou de classe. Cependant, certaines problématiques demeurent, d’autres naissent. D’où l’importance de faire le tri car l’amour ne suffira jamais.
Until next time,
Miaouuu!
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