Introduction.
Ce billet je le rumine depuis un bon moment. Cinq ou six ans maintenant pour être précise. Primo, parce que je n’ai jamais aimé le concept du Coming-out. Je trouvais que ça enlaidissait à un acte qui pour moi était normal: aimer un être humain. Deuxio, je n’ai jamais eu la patience de m’asseoir pour le rédiger. Patience parce qu’il faut se replonger dans des souvenirs – parfois douloureux – pour exposer le contexte. Je n’avais pas forcément les outils ni la maturité nécessaires pour le faire.
Depuis un moment cependant, j’ai commencé à ressentir un énorme vide. Comme une sensation de manque. J’ai atteint (je crois) la stabilité dont tout le monde rêve, tant sur le plan professionnel que personnel mais le mal-être persiste. Et je me suis rendue compte que je ne suis toujours pas heureuse. Comme si j’étais privée d’une partie de moi. Une partie que j’avais re-enfouie lorsque des personnes que je respectais et prenais pour des proches ont commencé à prendre leurs distances à cause de mes publications/partages sur les réseaux sociaux. Quand tu penses n’avoir personne, tu t’accroches à n’importe qui.
Puis la saison deux de The L Word Generation Q est arrivée avec Gigi dans son sillage. Depuis vendredi, je suis émotionnellement investie dans une convo privée sur elle, les “féminines” aventurières, les séries et films lesbiens, les crushs, avec une autre masculine. Le kiff ultime.
Ensuite j’ai relancé le marathon Grey’s Anatomy – ça arrive une fois au moins par an – et dans le premier épisode de la saison 10, je suis tombée sur cette citation:
“We are all going to die. We don’t get much say over how or when. But we do get to decide how we are going to live. So do it. Decide. Is this the life you want to live? Is this the person you want to love? Is this the best you can be? … Decide. Breathe in. Breathe out and decide.”
Richard Weber
J’ai décidé so, here we go.
Puberté lesbienne et incident 1.
Après la découverte de mon orientation sexuelle, j’ai connu, comme nombreuses avant et après moi, ma puberté lesbienne. Je ne couchais pas forcément avec tout ce qui bouge mais j’étais suffisamment effrontée pour faire des avances à quiconque, quel que soit son rang social. D’ailleurs, c’est quoi un rang social? Ne sommes-nous pas tous humains à la fin de notre vie?
C’est ainsi qu’en 2007, ma meilleure amie de l’époque me met au défi de séduire une dame que j’appellerai D. Je n’ai aucune idée de son rang social lorsque notre liaison démarre peu de temps après.
Je ne comprenais pas à l’époque pourquoi on devait toujours se rencontrer dans un hôtel pour assouvir nos désirs. Pourquoi on devait toujours arriver et partir en rang dispersés dans ces hôtels. On se voyait pourtant en dehors. Nous dinions même ensemble lorsque notre emploi de temps nous le permettait. D avait un chez elle et n’était pas mariée. Avec le recul, je comprends que c’était pour notre sécurité. Mais en cette période, pour moi c’était différent et enivrant. Vivre une relation intense à l’insu de tous. Enfin, je croyais.
D s’est avérée être quelqu’un d’ “important” dans le paysage culturel. Et elle bossait sur l’un des plus gros événement musicaux cette année la. Dans le cadre du concert, D était logée dans un grand hôtel très fréquenté de la ville. Donc difficile (dans mon esprit) de faire un rapprochement quelconque entre ma présence et elle et je prenais toutes les précautions pour ne pas nous faire repérer. Enfin, je le croyais.
Un après-midi donc, après un corps-à-corps particulièrement mouvementé, mon téléphone sonne. Le cerveau encore embrumé de sécrétions vaginales, je décroche tout en admirant les courbes de D se dirigeant vers la salle de bains (une autre histoire).
Au bout du fil un ainé pour qui j’ai perdu tout respect à la suite de notre conversation dont voici la plus fidèle quintessence:
“Allo?”
“Oui c’est R T. Comment tu vas?”
“Hey grand frère. Bonsoir. Ça dit quoi?”
J’étais surprise de recevoir le coup de fil. C’était un ainé journaliste à la station provinciale de la chaine nationale que je croisais de temps en temps lorsque je venais présenter mon émission dans leurs locaux. On se rencontrait souvent dans le cadre des événements que nous couvrions en tant que journalistes mais je ne lui avais jamais donné mon numéro. Nous n’avions pas ce genre de relation. Donc je ne comprenais pas la raison de son coup de fil. Elle ne s’est pas faite désirée.
“Rien de bon. Dis, tu peux me caler une interview avec la “tête d’affiche” de l’événement ?”
“Euyeu!! Comment ça te caler une interview avec la “la tête d’affiche” de l’évènement? Je sais qu’on commence par où pour le joindre?”
C’était la stricte vérité. Je ne me suis jamais servie de mes relations pour atteindre un quelconque but. Je crois et j’ai toujours cru au mérite. Pour d’autres apparement, leur “compétence” n’est pas le fruit du travail mais le résultat de leurs indiscrétions. Il n’y est pas allé par quatre chemins.
“Orrr. Ne me fais pas venir cogner à la porte de la chambre numérodeChambre dans laquelle tu te trouves en ce moment. Je sais avec qui tu es et je sais ce que vous faites. Ne m’oblige pas à m’en servir. Rappelle moi quand tu as une date et une heure pour l’interview.” Et il a raccroché.
Tétanisée est un bien faible mot pour décrire mon état après le coup de fil. Glacée jusqu’aux os, j’ai trouvé le courage de me lever et regarder par la fenêtre donnant sur la piscine de l’hôtel sans l’apercevoir.
Comment savait-il pour moi alors que je me découvrais a peine? Mais surtout pourquoi cette information aurait-elle un poids différent? Ne ne serions pas les premières personnes a coucher ensemble à ce que je sache.
Je ne savais pas encore à l’époque que les relations sexuelles entre deux personnes de même sexe étaient condamnées. Du moins, le flagrant délit si l’on se fit aux textes. J’étais juste contente d’éprouver ce que d’autres décrivaient lorsqu’ils parlaient des relations avec leurs hommes.
Je me rappelle n’avoir rien dit à D. Je pense également avoir cédé au chantage. Enfin je crois. Parce que ma mémoire me joue des tours.
Quelque semaines plus tard, je constate au détour d’une convocation dans le bureau de mon mentor que la rumeur circule depuis un bon moment à mon sujet. Elle me pose la question sans ambages.
“Tu es es lesbienne?” – décès de l’actrice, température polaire sous les tropiques.
“Euyeu!!! Comment ça lesbienne?”
“Tu ne comprends pas le mot? On m’a dit qu’on te voit beaucoup trainer avec des lesbiennes reconnues.”
“Qui ça?”
Elle me cite des noms parmi lesquels celui de D.
“Pardon vraiment. Je ne sais même pas qui est qui ici dehors. Toi même tu sais que j’ai un autre travail non? Donc comme je vais dans les centres de prise en charge des personnes séropositives, je suis aussi séropositive?” – Comparaison stupide je sais mais je n’avais pas mieux. La séropositivité était autant évitée que l’homosexualité.
“Ce n’est pas ça mais si deux ou trois personnes me disent la même chose, il y a anguille sous roche non?. Si tu l’es il faut me dire.”
“Non oh mama. Pardon. Je rencontre ces personnes dans le cadre du travail.”
Aujourd’hui, ma réaction serait assurément différente. Mais à l’époque je n’avais ni les outils ni le courage. Donc comprenez.
Et pour ceux qui seraient confus par mes activités professionnelles, j’avais une activité principale: animer un programme hebdomadaire en santé de reproduction des adolescents pour une ONG. De ce fait, j’étais amenée a rencontrer et travailler avec différentes couches de la population. Raison pour laquelle mon excuse est passée. Et à côté, je travaillais avec ce mentor là dans les médias (radio, télé, presse écrite).
Ma carrière prenait également son envol. Je couvrais ou étais impliquée dans tous les grands événements de cette période. Avec des interviews exclusives de toutes les grandes stars qui ont foulé le sol national.
J’ai donc réduit le champ des profils des personnes que je rencontrais.
Elles ne devaient en aucun cas être connectées ni au monde culturel ni au monde médiatique. C’était difficile à trouver vu que quatre vingt dix pour cent de mon temps était consacré à ma carrière. Mais j’ai tenu.
L’année d’après, une liste devenue célèbre pour sa nature et les personnages mentionnés est publiée. Mon coeur est resté suspendu dans l’espace jusqu’à ce que je parcoure la liste sans trouver mon nom. C’est là où je me dis “affaire de fesses là vraiment, oubliez moi. Je ne suis plus dedans”.
Incident 2 et descente aux enfers.
Je me suis renfermée dans mon placard. À double tours. J’ai rajouté un coffre-fort, l’ai scellé et jeté la clé au fond de l’océan. Traduction: féminisation de mon apparence physique, fréquentation accrue du sexe masculin. Je me suis même essayée à avoir une intimité avec certains. Comment apprécier le brocoli quand tu es appelée à ne consommer que du caviar?
La rumeur faisait son bout de chemin dans mon dos. Un des gars que j’ai rencontré à cette période et qui fait maintenant partie de ma famille m’a confié récemment que lorsqu’on s’est connu, les gens lui avaient soufflé que j’étais une lesbienne. Tant que je retrouvais mes rentrées d’argent, ils pouvaient parler à l’infini. La vie continuait son bout de chemin.
Mais c’était sans compter sur fichtre de cupidon. Sa flèche m’atteint un soir du quatre décembre 2009. Elle porte le nom de E. Et on peut dire qu’elle ne m’a pas raté.
De trois ans ma cadette sa maturité, son charme et son charisme à m’ont hypnotisée. Bouleversée. Possédée. You get the idea. J’étais amoureuse, toutes les lettres du mot en majuscules.
Et pour moi, ça coulait de source. Si tu aimes quelqu’un, tu le montre pas vrai?. Donc partout où j’allais, elle était avec moi, selon sa disponibilité. Évènements sur lesquels je travaillais, concerts, soirées privées,… je me sentais pousser des ailes en sa présence. Erreur 101. Et ce qui devait arriver arriva. Ça a recommencé à jaser. Et les conséquences ne se sont pas faites attendre.
Mes finances ont été les premières victimes. Toutes les rentrées secondaires d’argent que j’avais ont commencé à se faire rare. Le seul travail qui me restait c’était mon contrat de PE et celui non rémunéré avec mon mentor. Faudrait d’ailleurs que je lui demande pourquoi elle m’a gardé auprès d’elle malgré les rumeurs.
Ensuite mes “amitiés” d’hier étaient aussi invisibles qu’une source d’eau dans le désert du Sahara. Plus d’invitations. Rien. Persona non grata exposant infini.
Les menaces s’en s’ont suivies. Les amis de tes amies, les ex de tes ex. Un m’a fait tabasser à la gendarmerie. Un autre a menacé de m’envoyer en prison. Il était suffisamment puissant pour le faire.
Conséquemment, je me suis caché. Littéralement. Au point où tous les projets auxquels j’ai participé durant cette période étaient sous un pseudo. Jamais le même. Toujours une variation de mes initiales. Ma nouvelle routine c’est maison, boulot, maison.
Et pour ne rien arranger, la relation prend fin. Je touche le fond. Je dépose officiellement les armes: mon film peut s’achever maintenant. Je contemplerai l’idée d’en finir chaque jour pendant trois cent soixante cirque jours, après une bonne cuite pour me donner le courage de passer à l’acte.
Rédemption et renaissance
C’est durant cette période que la providence vole à mon secours et m’introduit à des personnes qui changeront ma vie.
Dans le cadre de mon contrat avec l’ONG, je suis impliquée dans la formation de pairs éducateurs d’une association. C’était mon quotidien donc rien de nouveau sous le soleil.
Il faut également souligner que j’étais devenue une lesbienne “raseuse de couloir”. On pouvait se croiser dans nos lieux de rencontre la nuit parce voila, les lieux réservés aux LGBT ca ne court pas les rues, mais vraiment les choses de la nuit restent les choses de la nuit. En journée, ne prétend même pas m’avoir déjà rencontré. Même si on a échangé plus qu’un verre la veille. J’avais d’ailleurs participé à l’assemblée générale constitutive de cette association plusieurs années avant mais je n’ai pas voulu m’associer. Je ne me reconnaissais en aucun d’entre eux. On ne se ressemblait pas.
Lundi matin donc je me pointe au lieu de la formation, quelle n’est pas surprise de reconnaitre les visages de cette fameuse assemblée générale. Et d’autres, nouveaux, qui me ressemblent et avec qui le courant passe dès les premiers mots échangés.
L’association est une association qui, officiellement défend les droits humains mais officieusement est consacrée uniquement aux LGBT. J’avais trouvé ma maison, mon refuge.
J’y entame ma première thérapie. Elle m’aide à naviguer et accepter ma différence, ma relation avec ma famille et m’aide à changer de perspective concernant ma soeur aînée. Aujourd’hui c’est d’ailleurs son anniversaire. J’espère t’avoir fait comprendre durant ton séjour terrestre à quel point tu comptais pour moi.
J’y rencontre Jo et Candas et je comprends la signification du mot amitié. Ils deviennent mon frère et ma soeur d’un autre mère. Ensemble nous formons le trio magique. Si l’un se pointe, les deux autres ne sont jamais loin. Ils me donnent cet espace sécurisé dans lequel je peux tomber le masque et être juste moi. Ils me tiennent la main et me montrent enfin le vrai visage de ma communauté: belle, diverse, variée, riche, folle, forte, dramatique, courageuse, téméraire mais avant tout solidaire.
J’y rencontre Stephane. Stephane est journaliste, éperdument amoureux de culture, membre actif de la communauté qui se sert de sa plume et sa position pour faire évoluer les mentalités nous concernant. Contrairement à moi, il est un livre ouvert et épanoui. Personnes et contrats se bousculent à sa porte pour être gratifiés de sa présence. Son secret? “Be so good they can’t ignore you and be proud of who you are.” De lui j’apprends la passion et l’excellence. Je serai son élève assidue jusqu’à son décès.
C’est cette excellence qui a sans doute marqué la dernière rencontre de cette période. Julius – malheureusement décédé lui aussi – me recommande pour un projet naissant et c’est ainsi que progressivement, je refais surface et entame la construction de celle que je suis aujourd’hui.
Et la famille nucléaire dans tout ça me demanderez vous. C’est un peu compliqué. Disons qu’elle a surement eu vent des rumeurs mais vu que ces deux univers ont toujours été séparés, la conversation n’a jamais été déclenchée. Ce n’est que récemment que l’un de mes cadets, maintenant en âge de comprendre et ne dépendant plus de moi m’a craché très fort au visage: “Tu n’est qu’une lesbienne. Comment je peux être fier de toi en sachant qui tu es? Tu sais la honte que ça nous fout?”. Depuis je l’ai bloqué. Je refuse d’acheter ce genre d’amour.
Et tout ça fait partie du coming-out.
À ma jeune moi
Si tu es arrivée jusqu’ici, merci pour ces minutes passées en ma compagnie que tu ne retrouveras plus jamais. J’espère que tu auras appris quelque chose.
Mais avant que tu ne t’en ailles, j’aimerais que tu emportes avec toi ceci:
Être gay ce n'est pas un prescription médicale. Sens toi à l'aise dans ton placard. Ou en dehors. Selon tes réalités.
Si jamais tu contemples ta sortie du placard, retiens ces leçons tirées de mon expérience:
1. Sois en accord avec ton orientation sexuelle. Accepte ta différence et toutes ses ramifications.
On dit souvent d’ailleurs que le premier coming out c’est à soi. Comme tu as pu le constater, je n’étais pas du tout préparée à tout ce qui s’est passé. Je n’avais aucun exemple de ce que j’essayais de faire dans mon contexte. Et c’est difficile d’être ce qu’on ne voit pas. Aujourd’hui les temps ont changé. On est représenté dans presque tous les programmes (la diversité attendra). Donc ça aide de voir son histoire à la télé. Et ça rend notre approche de la chose plus normale. Kether en parlait d’ailleurs dans cet épisode du podcast.
2. Fais-le pour toi, en ton temps, ton heure, selon tes termes.
Non par suivisme. Par exemple, pour marquer le journée internationale du Coming out. Ni pour faire plaisir à quiconque. Parce que si sortir du placard est une libération, le revers de la médaille est si brutal que si ton ressentiment envers cette vous détruira si jamais la relation prend fin. Tu n’as pas besoin de l’annoncer au monde d’une traite. Commence par ta meilleure amie. Et pars de là. C’est l’approche employée par Emilie.
PS: La relation avec la fille s’est arrêtée pour des raisons différentes. Les conséquences de mon CO n’ont jamais été un quelconque facteur.
3. Excelle!
Quel que soit ton domaine de préférence, excelle! Mais oh EXCELLE!!!!! Excelle au point où ton orientation sexuelle est reléguée au second plan et seul prévaut ton talent. À défaut de t’accepter, ils te toléreront et ce sera déjà une belle victoire. Ce conseil est certes valable pour tous mais il a une portée différente pour les personnes LGBT. On ne t’embauche pas parce que tu es gay mais parce que tu as du talent. Alors donne tout et deviens légendaire. C’est ce que conseille Sammy partageait dans cet épisode.
4. Trouve ta tribu et implique toi
Peu importe ce qu’on donne, Donner c’est comme recevoir Mais sans s’en apercevoir
Pascal Obispo, l’important c’est d’aimer.
En temps ou en argent. La communauté m’a tout donné. Elle m’a accueilli, accepté et soutenue sans me juger. C’est tout ce dont j’avais besoin pour voler de mes propres ailes.
We are all going to die. We don’t get much say over how or when. But we do get to decide how we are going to live. So do it. Decide. Is this the life you want to live? Is this the person you want to love? Is this the best you can be? Can you be stronger? Kinder? More compassionate? Decide. Breathe in. Breathe out and decide.
Richard Weber, Grey’s Anatomy, Saison 10, episode 1
Si et seulement si tu es prêt, rejoins le mouvement. Pour la visibilité, pour l’évolution de nos droits. D’ici là, Happy coming out day!!!
Miaouuuu!!!
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