Je suis lesbienne et ne suis pas un homme

J’ai été mégenrée. Une énième fois. J’étais devant le serveur de l’évènement, mon tour de poitrine, plutôt conséquent, bien en vue. Il a quand même trouvé le moyen d’ajouter “Sir” à la fin de sa phrase.

J’ai envie de lui trouver une excuse, me dire qu’il était dans le rush, il avait une horde de clients,… mais la vérité c’est qu’il aurait juste pu s’arrêter à “Hi, what can I get you?

En début d’année, je suis sortie d’un groupe “lesbien”. Une fois acceptée dans le groupe, tu devais donner ton background, te présenter et dire à quelle box lesbienne -masculine ou féminine- tu appartiens. Si tu avais le malheur de dire ni l’un ni l’autre, les remarques, déplaisantes, qui s’en suivaient étaient dignes du moyen-âge. Les sujets comme l’infidélité, la répartition des tâches, … dans un couple lesbien volaient tellement bas que je vais m’en servir dans un prochain billet. 

Ces exemples passent encore parce que je me dis, ce sont des gens de “l’extérieur”, je ne les connais pas. Sauf qu’il y a deux semaines, des gens que je considère éduqués et ouverts d’esprits m’ont sorti ceci:

“On ne sait meme pas si c’est une V ou un K qui est devant nous!” – B

“On regarde bien, tu es une ancienne lesbienne qui s’est reconvertie en K”.  – B

Je fredonnais You and me on the Rock de Brandi Carlile, dans un moment creux d’une conversation de groupe. 

Il y aura beaucoup d’autres de ces remarques dans ce billet so, si vous vous sentez visés comme la personne ci-dessous, rendez-vous au prochain.  Pour les autres, K = Homme, V = femme, dans une relation lesbienne. Cf le lexique lesbien africain pour plus de détails. Et j’en ai plus que marre de ces boxes dans lesquelles on renferme les gens.

# Background

Plus jeune, on m’appelait garçon manqué sans que ça ne me dérange. Je profitais de mon enfance et mes parents n’avaient, Dieu merci, aucune restriction sur ce qui m’était permis. Je pratiquais des arts martiaux, grimpais sur des arbres, jouais au foot dans les rues de nos villes, pieds nus, avec les garçons de mon âge.

Quand arrive l’adolescence, je ne me suis pas forcement retrouvée dans le “rôle” qui était supposément le mien. What do you mean I can’t play soccer with the guys anymore? 

Quand j’ai accepté mon orientation sexuelle, j’étais comme un nouveau né, soumise à l’influence des autres jusqu’à ce que je trace ma propre voie. 

Ayant retrouvé des personnes qui partageaient les mêmes passions, masculines, que moi, j’ai du m’adapter car pour profiter de ces choses en communauté, je devais leur ressembler. Je devais “belong” vu que “Les oiseaux volent par catégorie”. Et étant donné. que je le maquillage n’était pas ma tasse de thé et j’adorais le football, j’étais forcément une masculine. Pantalons et shorts exclus, car depuis ma tendre enfance ils me permettent de me mouvoir sans restrictions, j’ai beaucoup cloné nos chers butches. 

J’ai trainé dans les bars, consommé beaucoup d’alcool. Si je n’avais pas été sensible à la fumée, je serai probablement une fumeuse invétérée. Si je n’avais pas été affectée par les ravages des IST/VIH, j’aurais probablement couché avec tout ce qui tournait autour de moi à force de vouloir “muscler le bras gauche” ou “jouer au DJ”. I didn’t know better. 

# La réalisation 

La toute première femme que j’ai vu nue était une V. Belle et formée comme une guitare, je n’avais pas compris que sa beauté avait un prix – l’expérience sous nos contrées m’a appris que le contraire est une exception – ni que je devais être le mâle de la relation. Like…What?

Puis je me suis retrouvée à sortir avec un K. Ça a d’ailleurs été un sujet épineux pendant longtemps à cause des moqueries à ce sujet, jusqu’à ce que je comprenne que ça aussi, ça fait partie du processus d’apprentissage et de connaissance de soi. 

Puis j’ai rencontré L. Probablement l’expérience qui a changé la trajectoire de mon parcours dans la communauté. Jusque là, j’avoue, j’étais souvent perdue. Pas souvent, tout le temps. Avec elle j’ai compris qu’aux soirées alcoolisées, je préférais un livre, une album, un concert. Aux discussions de personne et de domination de sa partenaire, je préférais des discussions d’idées, de projet. – “Circle, where you have never been” aurait du voir le jour, Tali. – Le volley, le judo, les randonnées sont des alternatives au traditionnel football. La communication est essentielle à la survie d’un couple, contrairement à la violence ou au traitement de silence. Il n’y a pas de compétition ni de soumission dans une relation. Juste un partenariat dans la bienveillance et idéalement l’amour. Je partageais tout cela avec elle, sauf l’âge.

Cette remarque d’il y a deux semaine, dans ma “jeunesse” lesbienne, m’aurait certainement conduit à poser des actes en contradiction avec mes valeurs, juste pour prouver que je suis un K, whatever the FCUK that means. 

Aujourd’hui? Je suis en paix. J’ai appris à me connaitre et je continue à le faire. Je n’existe pas dans un vase clos, je suis un humain en perpétuelle évolution. En ce moment je m’émeut sur du Brandi Carlile. Son album “In these silent days” est une pure merveille et mon compagnon de ces jours.

# Je ne suis pas un homme.

Alors NON! Je ne suis pas un homme!  Je n’ai pas envie de l’être.

J’ai une carrure masculine, résultat de mes expériences sur cette terre. Aux robes je préfère les pantalons et culottes car j’ai toujours envie d’escalader un mur ou sauter un obstacle à un moment donné.

Mon visage est lisse comme celui d’un nouveau né, sans moustache, ni barbe. Mes épaules ne sont pas si larges et ma voix n’a pas la gravité que je lui aurais souhaité. Il m’arrive de twerker car la danse est l’expression ultime.

Ça m’est arrivé de souhaiter être montée comme un cheval, pour comparer les sensations, ou pour pisser debout. C’était avant de découvrir que la pénétration n’est pas essentielle à l’orgasme féminin

Si mon mètre quatre vingt est la plus grande femme que tu aies jamais rencontré, alors tu devrais plus souvent sortir de chez toi. Parce que je suis née avec une vulve et je saigne comme un taureau chaque mois,

Ceux qui le font, si c’est par malice, je ne peux rien pour vous. 

Si c’est par ignorance, prenez la peine de vous informer. A l’ère du “qui fait pipi où”, j’ai souvent peur des fois de me retrouver attaquée. Ou de voir la sécurité appelée sur moi malgré la générosité de dame nature à mon égard.

Certaines de mes congénères se sentent hommes, tant dans le vestimentaire que dans le comportement et c’est tant mieux car la différence nous grandit. Juste que ça n’a jamais été ma tasse de thé.

Contrairement à ce que l’auteure du commentaire sus-cité pourrait penser, mon objectif n’est pas d’”exposer” la communauté. Mais plutôt de partager mon expérience car je sais que si j’avais eu un minimum d’orientation, je me serai épargnée bien des maux de tête inutiles.

So, au lieu de fonctionner avec ses à priori comme guide, pourquoi ne prendrai-t’on pas le temps d’enregistrer qu’il y a plusieurs manières d’être femelle?

PS: Ce billet revendique le droit à une femellité différente. Qu’on nous permette déjà d’être des femelles masculines avant d’inclure le reste. Merci

Until next time, Brandi chante letter to the past.

Tchusss!


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One response to “Je suis lesbienne et ne suis pas un homme”

  1. […] au lieu d’être distributrice universelle de plaisir. Je m’étendrai prochainement sur la réplication des schémas patriarcaux dans les relations […]

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