Attention spoilers. Si vous comptez lire les trois tomes de la série sans connaître les grandes lignes, rendez-vous à la ligne d’arrivée marquée Catharine Grey. Sinon, continuez la lecture à vos risques et frustration.
Depuis Décembre 2022, je compte près d’une centaine de nouvelles lesbiennes lues. Certaines relues. Des auteurs se distinguent par leur style, la justesse de leur narration. Les narratrices Abby Craden et Angela Dawe clairement les favorites du public. Et dans cette exploration, aucun roman depuis The Seven Husbands of Evelyn Hugo n’avait suscité en moi le désir de partager mon avis. Au contraire. Je m’apprêtais à faire un bilan de mes lectures à ce jour, et il était loin d’être reluisant. Mais ça, c’était avant de tomber sur The Senator’s Wife, livres I, II et III par l’auteur lesbienne Jen Lyon. Shall we?
L’histoire
Two Women. Two Worlds. One Love Worth Risking it All.
Deux femmes. Deux mondes. Un amour valant tous les risques.
The Senator’s Wife c’est une série de nouvelles lesbiennes divisée en trois tomes. Sous fond de football, on suit le développement de la relation entre Catharine Brooks et Alex Gray.
Livre 1: the senator’s Wife
Ou l’introduction, la pose du décor du superbe univers et des protagonistes créés par l’auteure. Alex, fille d’architecte élevée par des hommes de (peu de) foi et footballeuse professionnelle (et son cercle), rencontre la sublime Catharine Brooks, fille de l’hypocrite général Brooks, épouse du violent et vindicatif sénateur républicain Carlton Cleveland au détour d’un incident qui aurait pu être malheureux.
Livre 2: Caught Sleeping – Main dans le sac?
Ou le vif du sujet. Entre coupe du monde, chantage, infidélités, influence, violences conjugales, dégâts collatéraux, amitiés… Le livre deux est le plus difficile que j’ai eu à lire tant il met en lumière la laideur, noirceur de l’être humain. C’est sans exagération que je vous dis je suis passée par toutes les émotions. Âmes sensibles, s’abstenir parce que l’auteure met à nu les tréfonds de l’âme humaine.
Livre 3: Whistleblower: Lanceur d’alerte
L’apogée de toutes ces intrigues avec un full circle pour Catharine.Toutes les émotions et frustrations accumulées dans les deux premiers livres ont enfin un canal d’évacuation. Avec des conclusions parfois surprenantes, des retournements de situation improbables. Et pour couronner le tout, des langues fourchues qui s’en donnent à coeur joie. À la fin, on est bien contents d’arriver à Catherine Gray mais que le chemin fut long, ardu, sinueux, intriguant, palpitant.
L’écriture en elle-même est intelligente, sensible, crue, sarcastique, profonde, juste, fournie, singulière. Une oeuvre d’art que seuls les initiés sauront apprécier. Je suis toujours sans voix face à la dextérité de l’auteure à mélanger ces différents univers avec une fluidité Fédérienne. Tellement de plaques tournantes, toutes traitées avec équité, dans leur entièreté. Les intrigues étaient au service de l’histoire d’amour et non le contraire.
J’ai aimé
- Catharine, oh my Queen. Je ne me rappelle plus comment je me suis passée de l’indifférence à bodyboard attitré de Catharine (après le gala peut-être?) Toujours est-il qu’elle m’a fasciné, énervé, excité, frustré, impressionné… À la fin je me dis juste Waouh! Quel personnage complexe mais oh combien captivant? Et dans son sillage, sa meilleure amie française Nathalie et plus tard son avocate Elle Kirkland. Quel trio! Quel régal.
- La multiplicité et la diversité des intrigues? Il y en a tellement. S’il y a une trame de fond, l’histoire d’amour entre Catharine et Alex, on a des intrigues parallèles qui à elles seules feraient l’objet d’un roman. Des amitiés, de la solidarité, des succès (et des échecs), des rivalités, des infidélités, de coups bas, une élection présidentielle, une coupe du monde, des jeux olympiques, l’hypocrisie, la violence conjugale… Dans l’ère du temps avec les réseaux sociaux. #Cathlex ou #Amex ? Ça vous dit une proposition de mariage foireuse est foirée retransmise en live sur les réseaux sociaux?… Une timeline claire et nette sans jamais perdre de vue l’intrigue principale. À un moment donné je me suis retrouvée dans les gradins de Wembley, à vivre le mondial et dans le village olympique à réconforter Catharine au chevet d’Alex après sa sortie sur blessure dans le temps additionnel contre l’Angleterre.
- Des personnages développés et bien trempés. Rien n’était farfelu. Chaque détail, mot, qui pouvait paraître incongru au début faisait sens lorsqu’il était remis dans son contexte. Aussi déplaisants que certains personnages aient été, j’ai apprécié que l’auteure ne lésine pas sur les détails. Elle a dépeint la laideur de certains caractères jusqu’aux extrêmes. Quelle verrue Carlton. En adepte de jeu de mots et de sarcasme, j’en ai eu pour mes yeux et mon esprit. Je ne sais combien de fois j’ai arrêté la lecture pour me taper des barres. Ou comploter une vengeance parce que je n’en pouvais plus de certains personnages. Elle Kirkland, what a treat!
- La différence d’âge. Si mes calculs sont exacts, quinze ans d’écart, d’expérience et de revenus séparent Catharine et Alex. Ça saute à l’oeil comme un cheveu dans la soupe. Dans les amitiés qu’elles entretiennent, les cercles qu’elles fréquentent, les souvenirs qu’elles chérissent. En temps normal, elles ne devraient pas être ensemble. Ce qui maintien l’intérêt de Catharine, au-delà de l’attirance physique, c’est la curiosité et la vivacité d’esprit d’Alex. Et si Alex de son côté est follement amoureuse, elle ne tombe pas dans la vénération comme j’ai pu le lire à maintes reprises ailleurs. On se retrouve dans une configuration ou les deux personnages coexistent en tant que partenaire, et non Déesse et disciple. J’ai particulièrement aimé que ce soit Amelia et non Catharine qui soutienne Alex lorsqu’elle était au plus bas. Ou encore lorsque Catharine, intéressée par l’extension de la ligue, requiert l’avis d’Alex AVANT de s’engager. Et non je poursuis toutes les démarches et te met devant le fait accompli. Après avoir lu beaucoup de romans et de ma propre expérience, c’est la plus fidèle représentation de cette différence. 1000/10.
- Une histoire d’amour réaliste. Ce ne fut pas un long fleuve tranquille parsemé de je t’aime moi non plus. Non non non. Loin de là. Enfin, oui, il y a eu des preuves d’amour. Mais c’était après des semaines (mois?) remises en question incessantes et les actes de self sabotage qui vont avec de part et d’autre. Catharine qui trouve enfin le courage de divorcer lorsqu’elle rencontre Alex avant de tempérer son élan parce qu’Alex essaye de concilier son éducation religieuse et ses sentiments. Alex qui, en refoulant ses émotions, se met en relation avec son meilleur ami (un autre infâme personnage), puis sa coéquipière. Et lorsqu’elles finissent par se trouver, il y a un jeu du chat et de la souris. Parce que les gens pensent souvent que lorsque deux femmes se rencontrent, c’est gambades direct et aménagement trois jours plus tard. En réalité, c’est un peu plus compliqué. Comme toute relation d’ailleurs. Et c’est bien souligné dans cette série. Tu rencontres une femme, il y a une attirance ou ce je ne sais quoi, mais également des réalités. Peut-être qu’elle n’est pas lesbienne auquel cas elle doit faire la paix avec son attirance. Ou peut-être elle est déjà prise, ou a un passé encombrant, un présent imparfait, un futur incertain.
- Des leçons à la pelle. D’histoire, de football, d’art, d’architecture, de culture (anglaise, australienne, américaine), de littérature, de géographie, de grammaire, d’import/export, de navigation. J’ai surligné tellement de mots qu’il me faudra probablement une année pour les placer individuellement dans une phrase. J’ai visité la rue de Shad Thames à Londres. Je me suis revue dans les rues du Marina District à San Francisco, j’ai revisité mon séjour à Half Moon Bay. En fan de football, la retranscription était fidèle à la réalité des événements. Du ballon d’or aux émotions vécues sur le terrain, en passant par ‘the kiss heard round the world’. Un tout qui te fait dire que l’auteure, à défaut d’avoir pratiqué les passions et les activités de ses héroïnes, a fait ses recherches sur les sujets traités.
Si ce n’était pas clair jusqu’ici, je suis irrémédiablement sous le charme. Ce qui ne veut pas dire que tout était parfait.
J’ai moins aimé
- La passivité de Catharine. Surtout dans les deux premiers livres. Celle-ci magnifie l’exécrabilité de son époux et la vilénie de son père. En général, je suis contre la violence donc, je tairai toutes les idées sordides encore présentes dans mon esprit destinées à leur faire payer le tort causé à mon héroïne. Même si je devine que l’objectif ici était de montrer que les violences conjugales et les abus de pouvoir n’ont pas de classe sociale, j’aurais aimé que Catharine soit plus assertive. Ou plus forte physiquement. Aucune préférence entre les deux tant qu’elle ne se laissait pas autant marcher sur les pieds. Quand le malotru porte main sur elle après le gala de charité, j’ai vu ROUGE!!! Aucune femme ne devrait subir cela. Aucune. Et le harcèlement téléphonique après leur séparation de corps, pour une femme de son calibre et dans sa position? Je dis ABSOLUTELY NO! C’était difficile à concevoir. Et à lire. Mais je comprends la nécessité de dépeindre ces réalités comme le dit si bien l’auteure. Heureusement Nathalie (et plus tard Elle) ont valablement soulevé nos objections.
- Le sexe? Je me dis ça aurait été bien une scène d’amour complète et explicite entre les deux. Mais une fois la frustration passée, je pense que la décision de l’auteure de laisser le soin au lecteur de se créer son propre scénario a été la bonne. Car difficile d’imaginer en fait les onomatopées émises par Catharine sous les draps. Dans quelle position? À quel rythme? Ce serait trop court. Ou trop long, bref, imparfait. J’espère c’était aussi le dilemme de l’auteur.
En résumé
Aucun mot en fait ne saurait rendre justice à ce que je juge comme étant la meilleure série de fiction lesbienne que j’ai lu jusqu’ici. Tellement que jusqu’à présent, deux jours après avoir passé six nuits d’affilées à faire défiler les pages des trois livres de mon téléphone, je ne demande qu’a recommencer. Je suis étrangement satisfaite d’avoir lu et non écouté ces livres. Je ne pense pas que l’impact aurait été le même.
En attendant vos recommandations et avis en commentaire, je vais passer essayer de passer à Bachelorette Number 12 de Jae et Alone de E.J.Noyes.
Until next time, Happy New Year.
Tchuss!
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